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Résumés des communications > Roussière Bouchard

La loi de Gibrat s’applique-t-elle à l’économie sociale urbaine ?

Une note de recherche sur la croissance de l’économie sociale de Montréal

 

Marie J. Bouchard, Professeure, Université du Québec à Montréal

Damien Rousselière, Professeur, AGROCAMPUS OUEST et Professeur associé, Université du Québec à Montréal

 

Résumé

Découlant de propositions venant de l’article fondateur de R. Gibrat (1931), la loi de Gibrat, également connue comme étant la loi des effets proportionnels, s’énonce ainsi : pour une entreprise donnée, la croissance (mesurée en chiffre d’affaires, en emploi ou tout autre variable reflétant la taille) est indépendante de la taille initiale. Ayant fait l’objet d’une littérature pléthorique en économie et gestion, cette proposition a été testée dans de nombreux contextes. Une question émerge naturellement : peut-elle être valable pour l’économie sociale, sachant les spécificités de ces organisations et notamment l’ambiguïté concernant leurs objectifs exacts (e.g. Soboh et al. 2009 pour les coopératives, Jegers 2008 pour les associations).

A notre connaissance, les travaux n’ont porté que sur certaines composantes de l’économie sociale et non sur son ensemble. Fulton et al. (1995) ont étudié le cas des grandes coopératives agricoles américaines, pour lesquelles la loi de Gibrat semble être valide. Les résultats d’une part de Kasmshad (1995), Gagliardi (2009) et Arcelus et al. (2014) sur les coopératives de travailleurs, de Goddard  & Wilson (2002, 2005) sur les coopératives de crédit, ou encore de Backus P. & Clifford D. (2013) ou Armsworth et al. (2012) sur les associations et les organisations sans but lucratif, sont beaucoup plus mitigés. Si beaucoup d’indicateurs de performance ont été utilisés, la plupart des études se sont limitées à la croissance des revenus (voir Gagliardi 2009). Goddard & Wilson (2005) utilisent toutefois le nombre de membres et Arcelus et al. (2014) la rémunération des travailleurs. Ces derniers proposent d’ailleurs plusieurs analyses successives de plusieurs indicateurs, mais ne prennent pas en compte la présence d’une corrélation entre ces derniers.

La principale contribution de cette courte note de recherche est méthodologique. Notre article prolonge des travaux précédents ayant porté sur l’économie sociale en prenant en compte sa dimension multidimensionnelle : bénévolat, emploi et revenus. Nous utilisons à cet effet les deux éditions successives de l’enquête sur l’économie sociale de Montréal, menées en 2007 et 2012. Nous estimons un modèle de Cragg (1971) avec un système d’équations de croissance simultanées en testant la présence d’effets de sélection due au biais du survivant.

Les résultats empiriques sont doubles : d’une part nous mettons en évidence un déclin moyen des revenus et de l’emploi et une croissance du bénévolat pour l’ensemble de la population. D’autre part nous rejetons la loi de Gibrat de croissance proportionnelle pour notre population d’économie sociale urbaine, en en soulignant une baisse de l’hétérogénéité. Les plus grandes organisations semblent avoir ainsi plus souffert de la crise que les plus petites. Deux processus différents sont à l’œuvre : l’un pour la survie (affectant plus particulièrement les petites) et l’autre pour la croissance (avec un effet de rattrapage).

Après une courte revue de littérature présentant les recherches précédentes sur la loi de Gibrat et notamment son application à l’économie sociale, nous en déduisons les contraintes spécifiques qui s’applique à un test empirique (pluralité des objectifs visés et potentiel biais du survivant). Nous présentons ensuite les données utilisées puis le modèle économétrique. La troisième section est consacrée aux

Bibliographie

Arcelus F., Megarejo Z. & Simon K. (2014) Managerial Performance Differences between Labor-Owned and Participatory Capitalist Firms, Journal of Small Business Management, 52(4) : 808-828.

Armsworth P.R., Fischburn I.S., Davies Z.G., Gilbert J., Leqver N. & Gaston K.J. (2012) The Size, Concentration, and Growth of Biodiversity-Conservation Nonprofits, Bioscience, 62: 271–281

Backus P. & Clifford D. (2013) Are big charities becoming more dominant ? cross sectional and longitudinal perspectives, Journal of the Royal Statistical Society, 176(3): 761-776.

Bouchard M.J. & Rousselière D. (2016) Do Hybrid Organizational Forms of the Social Economy have a Greater Chance of Surviving? An Examination of the Case of Montreal, Voluntas 27(4): 1894-1922.

Cragg J. (1971) Some Statistical Models for Limited Dependent Variables with Application to the Demand for Durable Goods, Econometrica, 39: 829-844

Fulton M.E., Fulton J.R., Clark J.S. & Parliament C. (1995) Cooperative Growth: Is It constrained?, Agribusiness, 11(3): 245-261.

Gagliardi F. (2009) Financial development and the growth of cooperative firms, Small Business Economics, 32 : 439-464.

Gibrat R. (1931) Les inégalités économiques, Paris, Sirey.

Goddard J., McKillop D.G. & Wilson J.O.S. (2002) The growth of US credit unions, Journal of Banking and Finance, 26: 2327-2356.

Goddard J. & Wilson J.O.S. (2005) US Credit Unions: An empirical investigation of size, age and growth, Annals of Public and Cooperative Economics, 76(3): 375-406.

Jegers M. (2008) Managerial Economics of Non-Profit Organizations, London & New York, Routledge.

Kasmshad K.M. (1995) Firm growth and survival: does ownership structure matter? Journal of Economics and Management Strategy, 3(3): 521-543.

Remerciements

Nous remercions le Carrefour technologique de l’ESG UQAM pour son appui et l’accès au serveur de calcul Gauss. Nous remercions également Gabriel Salathé-Beaulieu de sa collaboration. Le financement des deux enquêtes sur l’économie sociale de Montréal a été permis par le programme des chaires de recherche du Canada dans le cadre de la Chaire de recherche du Canada en Economie Sociale et par la Conférence régionale des élus de Montréal.

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