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Résumés des communications > Derumez et al.

Innover dans la prise en charge de la personne vieillissante :

le cas de la SCIC SantéAge

 

Isabelle Vandangeon-Derumez

Amina Bécheur

Audrey Bonnemaison

Pénéloppe Codélo

Projet de Recherche PICRI, Centre de recherche IRG, Université Paris Est

 

 

Introduction :

A l’heure où la prise en charge des personnes vieillissante devient une question centrale, les solutions proposées, compte tenu de leur émiettement, constituent pour les familles un parcours du combattant. La séparation des secteurs de la santé et sanitaire et social ne font qu’accroitre cette complexité, alors que bien souvent le vieillissement s’accompagne de problème sociaux et sanitaires. A ce premier niveau de complexité s’ajoute celui de la diversité des intervenants (Duthil, 2007) : les aidant eux mêmes, les personnels à domicile, les CCAS ou CIAS (centre communal ou intercommunal d’action sociale), les conseils généraux (pour l’attribution de l’Aide Personnalisée d’Autonomie, l’APA), les associations d’aide à domicile et leurs fédérations, les EHPAD privés et publics, etc. A la problématique des personnes âgées, notamment celles qui restent à domicile, s’ajoute celle des aidants, qui ne peut être traitée séparément dans la politique de prise en charge des personnes âgées dépendantes (Naiditch, 2012). Face à ce constat des initiatives locales ou nationales tentent d’apporter des solutions par des dispositifs plus ou moins intégrateurs (Couturier et al., 2009). Toutefois ces solutions se traduisent parfois par une simplification de l’offre de service, alors que la diversité des compétences s’avère nécessaire (Couturier et al., 2009). Or comme le souligne Duthil (2007 ; 306) : « Le traitement de la question des personnes âgées doit impérativement prendre en compte l’ensemble de la problématique et non l’émiettement des compétences entraînant un émiettement des solutions. ». Comment assurer l’organisation de la prise en charge complète du vieillissement des personnes, sans nuire à la diversité et la qualité des offres ? C’est à cette problématique que se propose de répondre la SCIC SantéAge en présentant une démarche innovante dans la prise en charge des personnes âgées. La présente communication a pour objet de mener une étude de cas de la SCIC SantéAge pour analyser le processus d’innovation sociale et discuter les problématiques de gestion qui en découlent.

 

 

1 – Le contexte du projet : Mieux satisfaire les besoins des citoyens âgés de la ville de Chantier-ouest.

 

1.1  – Chantier-ouest, une ville riche mais la nécessité d’offrir une prise en charge de qualité à une population moins aisée.

Au milieu des années 2000, L’EHPAD LP est en reconstruction. La seconde tranche des travaux fait l’objet d’un contentieux et doit être stoppée. Se pose alors la question de l’abandon du projet et de la revente de l’établissement au secteur privé. Intervient alors en 2008, à la suite des élections municipales, un changement d’équipe. Le projet est repris en main et repensé. Alors que le projet initial était essentiellement architectural, la nouvelle équipe se questionne sur l’intérêt d’introduire une dimension social / sociétale forte. 

La ville de Chantier-ouest lance alors une étude sur les besoins des citoyens vieillissants et sur les structures existantes. Le retour montre que : la population de la ville est vieillissante (taux de séniors supérieur à la moyenne du département et nationale), la prise en charge de la maladie d’Alzheimer est insuffisante compte tenu des besoins, les personnes souhaitent garder le plus longtemps possible leur domicile. C’est à la suite de cette étude que l’idée de la création d’une plateforme gérontologique prend forme.

 

Le défi s’annonce de taille car une telle plateforme ne peut fonctionner qu’avec une très bonne implication et coordination de l’ensemble des acteurs du territoire pour maintenir un service global de qualité à un prix attractif (celui du service public). En d’autres termes il faut faire mieux en matière de coordination, plus souple que la lourdeur bureaucratique des établissements publics, et le tout sans augmenter les tarifs à la journée.

 

1.2  – la SCIC SantéAge:

Constitution de la SCIC :

Les collèges de vote :

-          A (12,5%) : le collège des salariés et des fonctionnaires détachés par leur administration d’origine (associé de catégorie 1)

-          B (12,5%) : le collège des bénéficiaires de la société soit les associés de catégorie 2 et les bénévoles

Les associés de catégorie 3

-          C - Collège des fondateurs (50%) : CCAS et EHD

-          D - Collège des partenaires financier (12,5%) :

-          E - Collège des partenaires locaux (12,5%) : Établissements sanitaires et EHPAD

Les trois objets de la SCIC :

-          restructuration

-          gestion

-          évolution des besoins

 

 

2 – Une innovation sociale dans la prise en charge du citoyen vieillissant qui n’aurait pu voir le jour sans la mise en place d’une SCIC.

 

2.1 - Deux axes d’innovation :

Le premier, d’ordre sociétal, vise à porter un autre regard (changer de posture) sur la personne vieillissante, citoyenne de la Ville. Aujourd’hui une personne âgée quelque que soient ses besoins se doit de s’adapter aux modes de prise en charge proposés par la ville (secteur public et privé confondus). Avec ce projet de SCIC cette logique est inversée. C’est aux services prenant en charge la personne vieillissante (les professionnels) de s’adapter aux besoins de celle-ci et de l’accompagner dans son parcours afin de faciliter sa prise en charge, en réunissant dans une même structure l’ensemble des compétences nécessaires.

Le second, en lien direct avec le premier, vise à accompagner la trajectoire des personnes vieillissantes au regard de leur fragilité en créant une plateforme de services autour de 3 exigences :

-          Construire une chaîne entre domicile, établissement, hôpital ;


-          Permettre une liberté de choix des personnes âgées pour leur fin de vie ;


-          Mobiliser la solidarité entre les générations pour une prise en charge de qualité, accessible financièrement.

Ce projet est un projet de territoire, comme le souligne la Président du CCAS. En effet il ne s’agit plus de considérer la personne âgée dépendante, mais bien le citoyen de la ville de Chantier-Ouest en mettant à sa disposition un dispositif complet d’accompagnement de son vieillissement et en mobilisant autour de lui l’ensemble des acteurs de la ville. Il était donc important que la ville puisse s’engager dans ce projet en étant un acteur central de celui-ci.

 

2.2 – la SCIC comme moyen de concrétiser une innovation sociale citoyenne tout en préservant les valeurs soutenues par le projet

Chaque professionnel intervenant sur partie du parcours de la personne vieillissante doit se sentir impliqué dans les décisions prises la concernant. Le projet doit rester un projet citoyen porté par la ville au bénéfice des citoyens de la ville (projets de territoire ayant une utilité sociale).

Le choix de la SCIC, parce qu’elle permettait de réunir plusieurs catégories de sociétaires ayant identifié un intérêt au développement du projet sur le territoire (salariés, bénéficiaires, clients, fournisseurs, etc.), est très rapidement apparu comme le plus adapté.

Le fonctionnement multi sociétaire de la SCIC permet aussi la mobilisation de financements solidaires dans le cadre d’une gouvernance associant la collectivité locale et des partenaires privés solidaires.

Enfin la SCIC redonne du poids au personnel soignant dans la relation ambivalente soignant gestionnaire/gestionnaire des établissements de santé.

 

3 – Une façon originale mais complexe d’impliquer les acteurs dans le projet.

Mais la SCIC procure plus qu’une structure favorisant la coordination dans l’intervention des partenaires de la prise en charge des citoyens vieillissants.

 

3.1 – le rôle centre le la ville de Chantier-Ouest dans le projet.

La présence des institutions territoriales dans les SCIC est souvent décriée par les partenaires. Au mieux perçu comme peu impliquées, elles sont souvent considérées comme des freins au développement des SCIC. Si les SCIC acceptent volontiers l’aide financière apportée par les institutions, elles hésitent souvent à en faire des partenaires à part entière en les incluant dans la gouvernance.

Pour SantéAge le positionnement de la Ville et plus particulièrement du CCAS est tout autre. Il est important que le CCAS reste impliqué dans la gouvernance de la SCIC pour deux raisons principales. La première : il est important que la Ville soit en mesure d’assurer la mise en relation et l’animation des partenaires impliqués dans la SCIC (maillage territorial), pour la défense de l’intérêt collectif à travers sa politique territoriale.  Son implication dans la SCIC permet alors d’offrir aux personnes âgées dépendantes un service de qualité à des tarifs abordables.

La seconde concerne le transfert d’activité du secteur public vers le secteur privé des deux EHPAD impliqués dans le projet. En effet pour le personnel de ces EHPAD, la présence de la Ville dans la gouvernance de la SCIC est importante pour préserver les valeurs liées au service public, même si la SCIC relève maintenant du secteur privé. Ce transfert a d’ailleurs été pensé et organisé par le CCAS très en amont. La ville a travaillé durant trois années avec un cabinet spécialisé en RH pour non seulement anticiper les changements de statut (passage de la fonction publique territoriale à un statut de droit privé provisoire ou définitif) mais aussi aider les professionnels à mettre en lumière leurs savoir-faire et leur contribution potentielle à la SCIC.

 

3.2 – Renforcer les liens des professionnels

La SCIC devient un outil de mobilisation des différents acteurs de la prise en charge des personnes vieillissantes autour d’un projet commun. Le renforcement de ces liens a commencé dès le projet architectural de construction du nouvel EHPAD. Les personnels qui allaient vivre dans ce lieu (personnel de l’EHPAD et du SIAD notamment) ont pu s’exprimer sur leurs attentes.  

 

Conclusion :

Cette étude de cas fait émerger des questions importantes pour la prise en charge des personnes âgées sur un territoire de santé. La première concerne l’avenir d’une prise en charge fragmentée en terme de qualité, d’efficacité et de coûts de coordination.  Peut-on continuer à proposer une prise en charge dispersée alors même que les personnes âgées ont besoins de repères d’autant plus importants pour les personnes dépendantes ou atteintes de la maladie d’Alzheimer ? La seconde concerne le rôle des acteurs du territoire et en particulier des institutions dans les réponses aux besoins des citoyens. Si les budgets des institutions publics territoriales se resserrent alors que leur champ d’action ne cesse de s’élargir, comment celles-ci peuvent-elles se positionner pour ne pas faillir à leur mission de service public ?  Ces questions soulevées par le cas SantéAge méritent de plus amples investigations à venir au regard de la littérature sur le rôle des partenariats publics-privés dans l’innovation sociale.

 

 

Bibliographie

 

Yves Couturier, Hélène Trouvé, Dominique Gagnon, Francis Etheridge, Sébastien Carrier et Dominique Somme. 2009. « Réceptivité d’un modèle québécois d’intégration des services aux personnes âgées en perte d’autonomie en France » Lien social et Politiques, n° 62, p. 163-174.

Gilles Duthil. 2007. « L’arrivée du privé dans la prise en charge des personnes âgées ». Gérontologie et société, n°123.

Michel Naiditch. 2012. Comment pérenniser une ressource en voie de raréfaction ? Enseignements d'une comparaison des politiques d'aide aux aidants des personnes âgées dépendantes en Europe ». Questions d’économie de la santé, n°176 ; p. 1-8

 

 

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