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Résumés des communications > Glemain et al.

Financer les entreprises de l’ESS par le crowdfunding : opportunité ou menace pour les C.I.G.A.L.E.S ?

 

Pascal Glémain, Maître de Conférences-HDR en Gestion et en ESS, Université Bretagne Loire-Université Rennes 2 - CIAPHS

pascal.glemain@univ-rennes2.fr

Catherine Deffains-Crapsky, Maître de Conférences-HDR en Gestion, Université Bretagne Loire-Université d’Angers – GRANEM

catherine.crapsky@univ-angers.fr

Thibault Cuenoud, Enseignant-Chercheur ESCEM

tcuenoud@escem.fr

 

Question de recherche : Le crowdfunding constitue-t-il un dispositif de financement complémentaire, ou bien alternatif, au modèle de financement et d’accompagnement solidaire des C.I.G.A.L.E.S ?

 

Eléments de cadrage théorique et démarche scientifique :

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) définit le financement participatif, comme : « une récolte de fonds – en général de petits montants – pour financer un projet spécifique, via internet. Les projets financés peuvent être de nature artistique, humanitaire, sociale ou entrepreneuriale ». Les Clubs d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire (C.I.G.A.L.E.S) collectent depuis le début des années 1980 l’épargne de 5 à 10 citoyens en vue de promouvoir le financement solidaire et l’accompagnement de projets à l’échelle territoriale locale. Ces organisations de finance solidaire visent à « investir et s’investir dans des entreprises d’utilité sociale et créatrices d’emploi » (Russo, 2007), en faisant des apports en capital avec ou sans droit de retrait selon les volontés des investisseurs solidaires. Le financement participatif ou crowdfunding (CF) recouvre, lui, des formes de financement hétérogènes, telles que : le don avec ou sans contrepartie, les prêts avec ou sans intérêts, ou encore la souscription de titres financiers (capital ou dette). Nous constatons, au niveau mondial, un développement significatif de ce nouveau mode de financement de projets, de start-ups et TPE/PME. Constituent-ils des leviers de financement complémentaires ou bien alternatifs pour « un entreprendre autrement » ?

Selon le Cabinet Massolution (2015), le (CF) a atteint, au niveau mondial, 16,2 milliards de dollars en 2014, puis 34,4 milliards de dollars en 2015. La France compte parmi les pays dans lesquels le (CF) se développe très rapidement avec 296,8 millions d’euros levés en 2015 contre 152 M€ en 2014, et 78 M€ en 2013[1] et ce, selon les différents modèles d’investissement, de don et/ou de prêt qu’ils portent.

L’Association « Financement participatif France » et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) ont annoncé la signature d’un partenariat. Gabrielle Gauthey, Directrice des investissements et du développement local de la CDC, s’est exprimée ainsi : « Nous souhaitons co-investir et apporter nos projets d’investissement aux plateformes que nous aurons présélectionnées dans les domaines de la transition énergétique, l’économie sociale et solidaire, l’immobilier local et le tourisme ». En effet, la consultation des sites internet des nombreuses plateformes de (CF) en France témoigne, en effet, de l’intérêt des dirigeants de certaines d’entre elles de se tourner vers le financement des entreprises de l’ESS. En d’autres termes, ce nouveau mode de financement ne risque-t-il pas de rentrer en concurrence avec les dispositifs existants de finance solidaire, en particulier ceux qui relèvent d’une pratique d’investissement de capital-risque : les C.I.G.A.L.E.S ?

Pour répondre à cette question une première partie porte sur le contexte réglementaire du financement des entreprises de l’ESS en France et des dispositifs en place, face aux interrogations actuelles. Une seconde partie expose, à travers une revue de la littérature, les éléments de définition du (CF) sous ses différentes formes, le fonctionnement des plateformes et les relations contractuelles entre les différentes parties prenantes à l’opération de financement. A l’aide de l’étude des thématiques des projets financés sur les plateformes françaises, une étude empirique visera ensuite à déterminer quel(s) type(s) de plateforme(s) s’intéresse(nt) au financement des entreprises de l’ESS. Il sera alors possible de comparer ces nouveaux mécanismes à ceux des C.I.G.A.L.E.S. Le papier se conclura par une discussion sur le caractère complémentaire ou alternatif du (CF) et les pistes de recherche futures qui nous conduisent maintenant à nous intéresser au côté de la demande de financement solidaire (demand side), après avoir consacré nombre de nos travaux au côté de l’offre (supply side).

En termes de méthode, nous nous inscrivons dans le cadre d’une recherche-intervention territorialisée en Bretagne-Pays de la Loire, et rejoignons ainsi les travaux empiriques conduits par Morin (2015). Nous allons tester 2 hypothèses :

H0 : Les CIGALES doivent se rapprocher d’une plateforme préexistante. Mais laquelle (wissed, « prêt de chez moi », ou jadoptunprojet.com, par exemple) ?

H1 : Les CIGALES doivent fonder leur propre plateforme de finance participative « solidaire ».

A l’observation, nous constatons que c’est la première hypothèse qui se trouve validée. Mais, elle pose la question de la coopération et de la mutualisation entre les organisations d’ESS. En effet, les acteurs de finances solidaires ne se tournent pas forcément vers les plateformes solidaires qui, a priori, répondent plus de leurs principes et de leurs valeurs. Serait-ce à dire qu’après avoir côtoyé le secteur public, l’ESS se tournerait vers un partenariat avec le secteur privé ainsi qu’il en est dans les modèles anglo-saxons de Social Business ?

 

Bibliographie indicative :

Bessière, V. et Stéphany E. (2015). Le Crowdfunding : fondements et pratiques, De Boeck, Louvain-La-Neuve.

Klein, J-L., Laville, J-L., (2014), L’innovation sociale. Paris, érès.

Le Pedeven, B. (2013). « Le Capital-Investissement à vocation sociale existe-t-il en France ? » Entreprendre & Innover, 14 (1), 44-56.

Glémain P., Bioteau E., (dir), 2016, “Entreprises solidaires. L’ESS en question(s) », collection « économie et société », Presses Universitaires de Rennes. Ouvrage labellisé FNEGE 2016 par le jury de labellisation de la Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises-FNEGE

Mollick, E. R.; Nanda, R. (2014). “Wisdom or madness? Comparing crowds with expert evaluation in funding the arts”. Harvard Business School Entrepreneurial Management working paper, n° 14-116.

Morin, S., (2015), Finance solidaire, Finance Participative : une articulation est-elle possible pour le réseau des CIGALES de Bretagne ? Mémoire de fin d’études. Master 2-MAE, IGR IAE-Université de Rennes 1, sous la direction de P.Glémain.

Nicol O., Carliez D., 2005, Garrigue, une utopie concrète. Pantin, Le Temps des Cerises éditeurs.

Onnée , S. ; Renault, S. (2014), « Crowdfunding : vers une compréhension du rôle joué par la foule ». Management & Avenir, Vol 74 (8), 117-133.

Russo, P-D., (2007), Les CIGALES : notre épargne, levier pour entreprendre autrement. Gap, éditions Yves Michel.



[1] Selon une étude réalisée par Compinnov et publiée par l’association Financement Participatif France.

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